Paris, décembre 2005
Gare du Nord, 22h20, un dimanche soir en décembre. Ou comment associer le pire lieu à la pire heure, au pire moment de l’année.
La Gare du Nord est le lieu le plus sinistre de Paris. Tous les courants d’air de la capitale s’y donnent rendez-vous. Il y a dans l’atmosphère un malaise constant. On est toujours en dépression quand on quitte Paname et ses lumières, gagné par l’amertume de retrouver ce qu’on connaît trop bien.
Gare du Nord.
Une gare, c’est tellement froid, tellement impersonnel. C’est toujours partagé entre l’angoisse de ceux qui arrivent et la tristesse de ceux qui partent. C’est encore plus vrai à Paris. Surtout quand ceux qui s’en vont filent vers le Nord. Le Plat Pays et ses cieux plombés, ses friches industrielles et ses cafés surpeuplés par la misère locale. Je connais trop bien ces paysages désolants qui défilent le long du trajet Paris-Douai. C’est leur succession qui progressivement estompe les feux de la capitale et qui une fois arrivé à destination, achève de dissiper la magie des grands boulevards.
Gare du Nord, 22h20, un dimanche soir en décembre. Je croise des étudiants qui regagneront leur chambre de bonne glacée dans les combles d’un immeuble haussmannien. Je croise les toxicomanes qui errent à la recherche d’une dernière dose et leurs dealers aux regard fuyant qui font leur sale besogne. Je croise le jeune type amoureux qui renonce pour la semaine à celle qui fait battre son cœur et le bidasse qui retourne malgré lui dans cette maudite caserne.
Et au milieu de ce cirque, il y a ce type mélancolique, enfoncé dans son col, tentant de se soustraire autant que faire se peut à l’hiver, moi.